lundi 22 août 2011

L'homme de feu.


Imaginez un désert. Un désert de sable brûlant le jour, glacé la nuit. Des dunes à perte de vue. Des tempêtes de poussière empêchant tout animal non adapté à un tel environnement de voir quoi que ce soit et de respirer sans emplir ses poumons de sable fin. Imaginez ce paysage bicolore, rouge contre azur, scindé en deux par un horizon où aucune civilisation ne point.
Mettez 10 000 personnes au beau milieu de ce désert. 10 000 personnes avec camping-cars, vans, camionnettes, voitures, vélos, tentes, générateurs électriques, bidons d’essences, toilettes sèches et douches hypothétiques. Ces 10 000 personnes, venues du monde entier pour rester, pendant 10 jours, dans ce qui paraît un véritable enfer,  sont toutes liées à l’art, quelle que soit sa forme, son fond, ou sa pertinence. Ensemble, elles vont créer, installer, échanger, apprendre, admirer, rire, inventer, construire, exposer, animer, jouer, tout cela afin de générer la plus grande manifestation artistique des Etats-Unis : Burning Man.
Ce festival, m’a-t-on raconté, aurait commencé il y a déjà plusieurs années dans le jardin d’une maison de San Francisco où quelques illuminés avaient l’intention de faire quelques expériences, notamment d’ordre pyrotechnique. Etant donné le potentiel de risque comporté par une telle activité, les illuminés en question se sont alors décidés à trouver un lieu plus approprié pour mettre en œuvre leurs projets chaque année.
Aujourd’hui, Burning Man se passe dans le Nevada, fin août, et rassemble des milliers de gens dévoués à l’art, chacun à leur manière. Pas de rock-star, pas de grand acteur, pas de groupe phare, pas de sponsor, mais des artistes et des amateurs d’arts, tous réunis et animés par la même passion – et bien décidés à la perpétuer de la façon la plus personnelle possible, la plus ludique aussi.
J’ai eu la chance de rencontrer quelques-uns des acteurs de ce festival : certains ont déménagé à cause de Burning Man, afin de vivre dans des communautés d’artistes à plein-temps, et pas seulement pendant une semaine dans le désert. Tous passent des heures (et parfois l’année entière) à préparer soigneusement des concepts, des projets, des ateliers, des performances, à réunir le matériel nécessaire et confectionner les indispensables costumes qui donnent à Burning Man cet air un peu fou de monde alternatif, parallèle, animé par une énergie et une créativité infinies.
A titre d’exemple, voici un des projets que j’ai vu en cours de réalisation : une boîte en tissu blanc et armature de bois destiné à ceux qu’on nomme ici les « danseurs de feu », ceux qui pratiquent le maniement des bolas, ou pois*. Les danseurs se placent dans la boîte, munis de pois lumineux, de façon à ce que le public, à l’extérieur, voit des ombres chinoises et des boules de lumières.
Alors, le désert naturellement peu accueillant se transforme en gigantesque terrain de jeu pour les milliers de grands enfants qui le peuplent à la fin de chaque été. Je leur souhaite un magnifique festival.


*Les pois (prononcer « poille ») sont des balles (deux, une pour chaque main) attachées à un chaîne dont la longueur varie en fonction des figures que l’on veut réaliser notamment. Elles existent en de nombreuses versions (avec des LED, allongées par des rubans multicolores…), mais les plus impressionnantes sont celles que l’on enflamme pour jongler de nuit. A l’origine, c’est un objet traditionnel venant des Maoris, qui l’utilisent dans certaines danses rituelles.

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