lundi 23 avril 2012

Le silence et l'odeur...

Je lis des articles sur le score du FN depuis les élections, ce que je trouve très intéressant parce que j'aime bien lire des trucs sur l'extrême droite de manière générale (garde tes amis près de toi, et tes ennemis plus près encore...).
Bref, je butine de site web en site web, dont le bondyblog, un site très bien avec des articles pas cons faits par des jeunes, parce que ça change un peu des journaleux (même que y en a un qui s'appelle Mohammed, dit. Sérieusement, vous avez déjà lu un article de presse par un Français dénommé Mohammed? Parce que moi non, pas avant ces dix dernières minutes. C'est intéressant, ça, non?).
Je m'égare.
Je me renseigne donc sur les analyses du score de Mme Le Pen.
Et ça craint, vraiment, de se dire que 20% des votants non-abstentionnistes sont des fachos qui s'ignorent. (les vrais fachos, eux, je suis pas sûre qu'ils votent)
Ce qui me dégoûte encore plus, c'est les réactions des gens:
lu sur Rue89, cette jeune militante Front de Gauche qui dit qu'elle ne connaît pas ceux qui ne votent pas ou qui votent FN, mais qu'elle est à Paris alors "on ne sais pas tout". Ben oui cocotte, effectivement tu ne sais pas tout si tu crois benoîtement que les Français ne sont pas à bout, et que tous ne réagissent pas comme toi à la situation.
Ce score est-il si surprenant?
Mélenchon et la vraie gauche, celle à gauche du PS, viennent de loin, de très très loin, il fallait quand même pas croire qu'ils allaient remporter la lune face à une candidate ultra-médiatisée, une femme charismatique, séduisante, à la rhétorique sophiste implacable, et qui n'est pas novice dans l'art d'être populiste et démagogue. Forcément, avec une situation économique pareille et le bilan que laisse mon employeur (vous rigolez, moi pas...) le réflexe est sécuritaire, pas communiste. Si tant est que le communisme parle encore aux Français, parce que moi, j'ai pas l'impression, au vu du retournement d'orientation politique fascinant opéré par les ouvriers ces dernières années. Un communisme sans les ouvriers, c'est quoi? Un mouvement sans sa base.
Alors que le Front National brasse large, se maquille, se déguise, et récupère les brebis égarées bien mieux qu'une idéologie qui, pardonnez-moi, sent encore un peu la naphtaline, même si force est de constater que le ménage de printemps est réussi grâce à Mélenchon, qui a fait plus que passer un coup de Swiffer dans le système.
Mais bon, il n'empêche que, quand on regarde les choses froidement en termes d'efficacité politique, le FN est meilleur, il a su polir son image et la rendre plus attirante que le FDG. Et c'est important car tous les votants ne se basent pas pour les programmes pour voter - et ben nan, faut pas prendre les gens pour des cons, mais ça sert à rien de les prendre pour des intellectuels non plus, qu'on se le dise. L'espoir dans l'humanité a ses limites.

Deuxième vision glaçante, aperçue sur le Bondyblog, après un article ignoble (enfin, très bien, mais ça donne envie de hurler quand même) sur "ces Asiatiques qui vont voter FN" - publié avant l'élection. Non seulement ça fait froid dans le dos, ces Français venus d'Orient qui, conscients du paradoxe mais pas si perturbés que ça, affirment qu'ils voteront Le Pen. Argument numéro 1: y en a marre des agressions par les Noirs et les Arabes.
Palme du stéréotype au jeune primo-votant qui sort sans ciller: "je ne suis pas raciste, mais il y a trop de violence à cause des renois et des rebeus..."
AHLALA, ce bon vieux "Je ne suis pas raciste mais". Tout est dans le "mais", vous l'aurez remarqué. Alors ça c'est à pleurer.
Encore plus à pleurer, les commentaires que je vois venir de loin: ouais, les immigrés y a pas de souci, mais voilà, ces Asiatiques ils comprennent pas la démocratie, toutes façons ils sont bizarres, ils ont pas de vie sociale et ils travaillent tout le temps, tu m'étonnes qu'ils veuillent des fachos au pouvoir.
Les vertes et les pas mûres sur les Asiatiques, ça me gave autant que leurs commentaires pas éclairés sur les ressortissants africains.
Il serait temps de se rendre compte que la Chine, c'est l'Afrique d'hier, le nouvel Autre qu'il faut craindre et maintenir à distance avant de comprendre. Surtout pas tendre la main. (ça pourrait déteindre, n'est-ce pas...)
Le réflexe raciste chez l'immigré, on trouve toujours ça pire que chez un blanc dont les ancêtres vivaient il y a 500 ans, dans le même périmètre de 50 km2. Mais pourquoi ce serait pire? Ils sont humains aussi. Je répète donc ma conclusion sus-dite: faut pas prendre les gens pour des cons, mais faut pas les prendre pour des intellectuels non plus. L'espoir en l'humanité a ses limites.
Ce serait trop beau si tous les enfants de racistes tiraient les leçons de leur expérience familiale pour aller faire du bénévolat au Mozambique.
Bon, et bien, de même ce serait trop beau si tous les immigrés de 1e, 2e, 3e ou x générations tiraient les leçons de leur passé et décidaient de devenir des modèles d'acceptation de l'Autre. Et pourquoi qu'ils se convertiraient pas tous au catholicisme, tant qu'on y est? Même si on dirait pas, je pense que ces deux options sont toutes aussi improbables l'une que l'autre. Oui oui.

Moi je vois ça de loin.
Et plus je suis loin (dans le temps), plus je me dis que beaucoup de Français, dont pas mal passent leur temps à dénigrer les Etats-Unis pour un oui ou pour un non, gagneraient beaucoup à faire un séjour en Californie par exemple.
Je ne dis pas que le racisme n'existe pas, mais il prend une configuration très différente ici. Pour commencer, tous les enfants grandissent avec des enfants multicolores à leurs côtés. Je me souviens encore du phénomène quand des jumelles noires sont arrivées à mon collège quand j'étais en troisième. Quand je raconte ça ici, je passe pour la meuf qui vient du fin fond de l'Arkansas. La rescapée quoi.
Alors forcément, il y a des concepts qui n'existent pas. Par exemple, on ne peut pas traduire le mot "communautarisme"*. Ici, on ne sait pas ce que c'est, ou plutôt, on ne le pense pas en ces termes, et c'est très important.
Voilà une des leçons qu'on apprend à regarder le monde d'ailleurs, et il serait temps que plus de gens sortent de leur boîte, des militants FDG aux Français d'origine asiatique...


*Note: personnellement je trouve que le mot de communautarisme 1 ne veut rien dire du tout et 2 a été inventé par des idéologues racistes qui voulaient faire peur à tout le monde en décrivant un soi-disant phénomène sociologique. La pseudo-loi selon laquelle les gens se rassemblent parce qu'ils ont la même gueule et viennent du même coin c'est une immonde connerie. Ici, j'ai UN ami français, et c'est loin d'être le plus proche. Quand je rencontre des gens qui me disent "t'es Française aussi?" j'ai vraiment envie de leur dire "ouais, et alors, en quoi ça nous rapproche?". Ce qui veut dire quelque chose en revanche, c'est un intérêt commun pour une culture. Mais tous les Français ne sont pas passionnés de culture. D'où l'intérêt limité de certaines conversations avec mes compatriotes...

1 commentaire:

  1. À NY en revanche, j'en entends constamment des vertes et des pas mûres, et je n'entends pas par là des remarques ras des pâquerettes par des citoyens ayant remisé au placard leurs capacités intellectuelles, mais une vieille et nauséabonde habitude des ségrégations, et de jeunes citoyens éclairés qui considèrent les Noirs différemment parce qu'ils les associent sans grande nuance à des catégories socio-professionnelles et à des classes complètement indépendantes et différentes des leurs... Sans jugement, mais de l'autre côté d'un fossé infranchissable.

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